Le Contrôle Coercitif : un tournant décisif dans la lutte contre les violences conjugales
Depuis plusieurs années, la prise en compte des violences conjugales a progressé, mais un aspect fondamental restait jusqu’ici largement ignoré par la loi française : celui du contrôle coercitif.
Cette forme de violence insidieuse ne repose pas uniquement sur des agressions physiques, mais sur un ensemble de comportements visant à dominer, isoler et priver une personne de son autonomie.
En 2025, un projet de loi vient enfin combler ce vide juridique, marquant une avancée majeure dans la protection des victimes.
a. Projet de loi 2025 : vers une infraction autonome
Le projet de loi présenté en 2025 introduit pour la première fois en France une incrimination spécifique du contrôle coercitif .
Le texte adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 28 janvier 2025 propose de créer un nouvel article du Code pénal (art. 222-14-3-1) définissant le contrôle coercitif comme :
"Des propos ou comportements répétés ou multiples ayant pour effet de porter atteinte aux droits et libertés fondamentaux de la victime ou d’instaurer chez elle un état de peur ou de contrainte, du fait de la crainte d’actes physiques, psychologiques, économiques ou autres."
La peine prévue est de 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende, même sans incapacité totale de travail. La sanction reste la même en cas de relation passée entre auteur et victime.
b. Critiques du texte actuel
Si cette avancée législative est saluée, plusieurs points critiques sont soulignés :
- L’intention de domination, pourtant centrale dans le contrôle coercitif, n’est pas explicitement mentionnée dans la définition.
- Le texte ne distingue pas clairement cette infraction du harcèlement conjugal.
- La peine encourue semble faible, même si des actes graves sont présents (comme des violences sexuelles).
- La formulation complexe et certaines notions floues (comme le "handicap temporaire") pourraient nuire à une application juridique claire.
La proposition de loi a été transmise au Sénat pour débat le 3 avril 2025, ouvrant une nouvelle phase de réflexion.
Définition et Caractéristiques du Contrôle Coercitif
Le contrôle coercitif se manifeste par :
- Violences psychologiques : isolement, humiliation, chantage…
- Violences économiques : privation de ressources, contrôle financier…
- Surveillance quotidienne : cybersurveillance, contrôle des déplacements…
Ces actes ont pour but de restreindre la liberté d’action et d’expression de la victime, au quotidien.
a. Contexte International et Inspirations
Des pays comme l’Écosse, l’Angleterre, l’Irlande ou l’Australie ont déjà adopté des lois criminalisant le contrôle coercitif.
En France, la notion d’emprise a été reconnue en 2020, et un rapport parlementaire de 2023 a posé les bases pour une incrimination spécifique du contrôle coercitif. La loi en discussion s’inscrit dans cette dynamique.
b. Enjeux de mise en œuvre
- Définir précisément le délit, sans confusion avec d'autres notions.
- Former les professionnels (juges, policiers, travailleurs sociaux).
- Accompagner les victimes avec un soutien psychologique, juridique et financier.
- Coordonner les acteurs judiciaires, via des pôles spécialisés.
Conclusion
L'intégration du contrôle coercitif dans le droit pénal français constitue une avancée majeure dans la lutte contre les violences conjugales. En reconnaissant ce comportement comme une infraction autonome, le projet de loi 2025 vise à protéger plus efficacement les victimes, à prévenir les violences futures et à aligner la France sur les standards internationaux. Toutefois, la réussite de cette réforme dépendra de la clarté de la définition juridique, de la formation des acteurs concernés et de la mise en place de dispositifs de soutien et de protection adaptés aux besoins des victimes.